mercredi 24 juin 2015

Nouvelle publication : Le Sphinx - Recueil



Le recueil du Sphinx vient de paraître, il est disponible ici : Amazon.

Le livre, broché, fait 696 pages n&b, format 6 x 9 pouces (15.24 x 22.86 cm).

La version numérique est ici.

Voici son avant-propos, suivi de la table des matières : 

Le présent recueil regroupe un ensemble de textes parus dans La France Antimaçonnique, pouvant être identifiés comme les manifestations du Sphinx (signature de René Guénon), avec plus ou moins de certitude, parfois partiellement ; nous allons en donner plus loin le détail.

*
*   *

René Guénon lui-même souhaitait rassembler ces textes. Il l’évoque notamment dans sa correspondance avec Luc Benoist, le 1er septembre 1934 :
« La liste des ouvrages futurs que j’ai plus ou moins annoncés est vraiment impressionnante, et j’en suis quelque peu effrayé ; trouverai-je jamais le temps de mettre tout cela sur pied ? […] Je pense bien toujours aussi à ceux de “Regnabit” et de la France Antimaçonnique ; ceux-là me donneront plus de travail, je crois, pour arriver à prendre la forme d’un volume. »

*
*   *

Un rappel s’impose concernant les différentes signatures employées par René Guénon. Dans la même correspondance, le 17 juin 1934, il précise :
« Chaque fois que je me suis servi ainsi d’autres signatures, il y a eu des raisons spéciales, et cela ne doit pas être attribué à René Guénon, ces signatures n’étant pas simplement des “pseudonymes” à la manière “littéraire”, mais représentant, si l’on peut dire, des “entités” réellement distinctes. »

D’où notre souci de ne publier ici que les textes liés à l’entité principale intervenue dans La France Antimaçonnique. Ceux qui y figurent sous les signatures Palingénius ou René Guénon doivent en être distingués, ils seront donc rassemblés dans d’autres recueils.

Cette distinction nécessaire porte sur la forme plutôt que sur le fond, comme Guénon le dit lui-même dans une lettre à Noële Maurice-Denis Boulet du 14 août 1921, à propos cette fois des écrits de Palingénius :
« Ce que j’ai écrit à cette époque (et qui n’avait d’ailleurs aucun rapport avec le gnosticisme), je pourrais l’écrire encore avec bien peu de changements, et plutôt en précisant l’expression qu’en modifiant le sens. »

Les raisons spéciales qui l’ont amené à emprunter plusieurs signatures nous paraissent devoir être mises en rapport avec les lecteurs auxquels elles s’adressent. Concernant Le Sphinx, ce sont des milieux s’intéressant à la Franc-Maçonnerie, antimaçonniques bien sûr, mais également maçonniques.

René Guénon était maçon à l’époque de la publication de ces textes, étant entré tout d’abord à la L∴ Humanidad du Rite National Espagnol (Maçonnerie irrégulière), puis affilié, le 21 mars 1912, à la L∴ Thébah de la Grande Loge de France, de laquelle il a démissionné en 1916.

L’entité Le Sphinx s’est exprimée en son nom propre du 18 décembre 1913 au 18 juin 1914 (ce qui est une très courte période relativement à la réputation posthume qui lui sera prêtée), mais il faut également lui attribuer des textes sans signature (comme par exemple La Stricte Observance et les Supérieurs Inconnus, reconnu a posteriori par Le Sphinx dans À propos des Supérieurs Inconnus et de l’Astral). La « vie » de cette entité devait être liée à cette activité éditoriale ; ainsi, elle était déjà morte depuis longtemps en février 1933, date de l’extrait suivant, tiré des comptes rendus de revues du Voile d’Isis, où René Guénon commentait une attaque se voulant la suite de celles des antimaçons de l'époque contre Le Sphinx (1) :
« Dans le numéro de décembre [de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes], nous trouvons un article fantaisiste qu’on a cru spirituel d’intituler Entretiens d’Œdipe ; si on savait combien cela nous est égal, et comme certaines allusions qui veulent être perfides sont loin de nous toucher… d’autant plus loin que ceux de nous qu’elles prétendent viser sont morts depuis bien longtemps ! »
---
1 - Ce dernier avait répondu à ces attaques, qui faisaient allusion au Sphinx de la mythologie grecque, dans « L’Énigme », le 29 janvier 1914 (p. 551 de ce recueil), et dans les articles suivants.

*
*   *

Concernant les différences terminologiques avec l’œuvre de Guénon, la principale que nous ayons relevée est celle portant sur l’expression de Supérieurs Inconnus : elle est assez vague lorsqu’elle est employée par Le Sphinx, pour qui elle semble désigner des représentants d’un pouvoir occulte quelconque, bénéfique ou maléfique. René Guénon précise lui que « le vrai sens de ce que la Maçonnerie du XVIIIe siècle désigna sous le nom de “Supérieurs Inconnus” » est une dénomination particulière des « représentants des centres spirituels » « qui, sans appartenir eux-mêmes à aucune organisation connue » « présidèrent dans certains cas à la formation de telles organisations, ou, par la suite, les inspirèrent et les dirigèrent invisiblement » (Aperçus sur l’Initiation, ch. X – Des Centres initiatiques). Quant à leur caricature maléfique, il ne les désigne pas par l’expression en question, mais, par exemple, il évoque les « “dirigeants”, connus ou inconnus », qui « savent bien que, pour agir efficacement, il leur faut avant tout créer et entretenir des courants d’idées ou de pseudo-idées », des « courants » « purement négatifs », « de nature mentale » dans le but d’« abolir l’intellectualité » des populations sous leur joug (Orient et Occident, 1re partie, ch. III – La superstition de la vie) ; et, de manière plus générale, il explicite la notion de contre-initiation.

Il n’y a pour autant pas contradiction entre les deux signatures, Le Sphinx laisse juste une indétermination. Celle-ci ne nous paraît pas être due à une imperfection de l’expression, mais nous pensons qu’elle est plutôt une adoption du vocabulaire en usage dans le milieu visé par cette entité, où les Supérieurs Inconnus n’étaient envisagés que sous l’aspect négatif.

*
*   *

Venons-en au contenu du recueil. Nous avons dit que des textes sans signature peuvent également être attribués au Sphinx. Voici des extraits de la correspondance entre René Guénon et Luc Benoist, qui nous donnent confirmation de l’attribution de certains textes (confirmation que nous avons indiquée pour les articles concernés dans la table des matières en fin d’ouvrage ; nous invitons le lecteur à s’y reporter pour avoir une vue d’ensemble des articles du recueil) :

  • Luc Benoist à René Guénon, 7 juin 1934 :
« […] Clavelle m’a fait connaître vos articles de “La France Antimaçonnique”. Ce que j’ai pu en lire à la “Nationale” où ils sont incomplets m’intéresse fort. Pourriez-vous me dire si je puis trouver une collection quelque part des années correspondant à votre collaboration, c’est-à-dire je crois 1913 et 1914 ? Quels sont là-dedans les articles anonymes de votre plume ? (en dehors de ceux signés Le Sphinx ?) »

  • René Guénon à Luc Benoist, 17 juin 1934 :
« Pour la “France Antimaçonnique”, je ne puis, hélas ! vous dire où il serait possible maintenant de s’en procurer une collection, et je crains que ce ne soit pas facile. De plus, je serais tout à fait incapable de vous indiquer mes articles, ne les ayant pas ici ; il y en a une grande quantité, d’importance très diverse, surtout dans les deux dernières années (1913-1914), mais aussi quelques-uns avant (depuis 1909 ou 1910, je ne sais plus au juste). »

  • Luc Benoist à René Guénon, 25 juin 1934 :
« Je me permets de vous joindre à ma lettre une liste des articles de La France Antimaçonnique qui me paraissent vous concerner. Certains sont signés, d’autres non. Tout cela est marqué sur la liste. […]

Année 1911 (il me semble que c’est la première année.)
No 17 Tribune pour tous : Lettre de S. G. Palingénius, secrétaire général de l’Église gnostique de France (c’est il me semble la première apparition de votre collaboration à la Revue)
No 35 Lettre de Palingénius à propos de A. Jounet
No 40 Un côté peu connu de l’œuvre de Dante
(Faut-il faire état des Documents sur la Société Théosophique apportés par un soi-disant Swâmi Narad Mani ? Est-ce une de vos entités et ces articles sont-ils de vous ? Votre entrée à la revue est-elle relatée symboliquement par une apparition ?
Je ne pense pas d’autre part qu’il faille mettre à votre compte les Lettres d’un gnostique qui n’est pas évêque et qui n’a pas la berlue…)

Année 1912
Je ne trouve rien à signaler cette année là sauf les Documents sur la Société Théosophique, signés Swâmi Narad Mani ; des Documents sur la Francmaçonnerie et les Sociétés secrètes signés au début par A. C. de la Rive et contenant à la fin une reproduction d’un chapitre sur les Druides de Francis Monnier ; y a-t-il là quelque chose de vous ?

Année 1913
No 33 Le Régime Écossais rectifié de 1776 à 1815
(anonyme mais qui se poursuit en 1914 dans les No 8 et 9 signés Le Sphinx)
No 36 Le Christianisme théosophique
Curieuse coïncidence
(Catherine Emmerich et l’Agarttha)
No 47 La Stricte Observance et les Supérieurs inconnus (anonyme et continué dans le No 49).
No 50 Brahma Samâj et Arya Samaj (Anonyme)
No 51 À propos des Supérieurs Inconnus et de l’Astral (signé pour la première fois Le Sphinx, ce qui qualifie les No 47 & 49)

Année 1914
No 1 M. Bergson et la Libre Parole
No 5 L’Énigme
No 7 Réponse à M. Nicoullaud
No 8 Le Régime Écossais Rectifié
No 9 id.
No 10 L’Ésotérisme de Dante
No 12 M. Nicoullaud récidive
No 17 Documents sur l’Ordre des Élus Coëns
(publication continuée dans les No 21, 22, 23, et inachevée)
No 19 Dernière Réponse à M. Gustave Bord
No 24 Réflexions à propos du “pouvoir occulte”
(continuées au No 25)
(Tous ces articles sauf ceux concernant les Élus Coëns sont signés Le Sphinx. Ceux qui suivent sont anonymes)
No 26 L’Église Catholique Française
(continué dans les No 27 & 31)
No 29 Mort de M. de la Rive
No 31 L’Ordre des Samaritains Inconnus
L’Ordre Initiatique réformé des Rose+Croix
(C’est me semble-t-il le dernier No) »

  • René Guénon à Luc Benoist, 2 juillet 1934 :
« J’ai reçu ces jours derniers une lettre de M. de Frémond, qui me parle de votre correspondance au sujet de la France Antimaçonnique. À ce sujet, je ne sais pas s’il y a quelque chose d’antérieur à l’année 1911 ; en tout cas, ce serait peu important. Les “lettres d’un gnostique…”, etc., ne sont pas de moi, non plus que les documents sur la Société Théosophique ; le Swâmî Narad Mani a d’ailleurs existé, car je l’ai connu, mais je pense que, dans la circonstance, il n’a fait que donner sa signature ; en tout cas, je ne suis pour rien là-dedans. Quant aux documents sur la Maç∴ et les sociétés secrètes parus en 1912, je ne me rappelle plus ce que c’est ni s’il y a quelque chose de moi là-dedans ; voudriez-vous m’indiquer plus précisément ce que cela contient ? Ce qui est de moi, par contre, et que je ne trouve pas dans votre liste, c’est toute la série des notices sur les sociétés secrètes anglaises et américaines. Il me semble qu’il y a aussi d’autres choses sur l’Inde, en dehors de l’article concernant le Brahma-Samâj et l’Arya-Samâj (notamment un article sur l’“Indian Academy of Science”). Ce que vous avez noté pour 1913 et 1914 m’appartient bien, mais il doit encore y avoir en outre une certaine quantité d’autres petites choses, notamment sur le Théosophisme. Je me souviens d’un article sur le symbolisme du sceau de la Société Théosophique et d’un autre sur H. P. Blavatsky et la Maç∴ ; il y a aussi un article sur Napoléon signé A. C. de la Rive, mais dont une assez grande partie est de moi. – Je pense que vous avez le double de votre liste ; je préfère la garder tout au moins pour le moment, pour m’y reporter au besoin. – Il doit aussi y avoir dès 1911 un article sur le Régime Rectifié, peu après l’article sur Dante. Si je repense à autre chose, je vous le dirai une prochaine fois. »

  • Luc Benoist à René Guénon, 10 juillet 1934 :
« Voici à ce sujet ce que vous m’avez demandé :

Année 1909 page 225
Lettre signée René Guénon à propos de Papus
Année 1910 page 165
Lettre de Palingénius sur le Dalaï Lama
page 452
Lettre de P. sur la Gnose.
page 483
Lettre de P. sur la Gnose.

À partir de 1911 vous avez la liste (que vous pouvez garder). Il faut seulement que je la modifie suivant vos indications :
Année 1912
No 23 et suivants : Notices sur la Maçonnerie et les différents ordres qui y sont rattachés (notices originales pour l’Amérique et l’Angleterre, copie de Clavel pour la France, la Pologne, la Russie et l’Allemagne, copie de Francis Monnier pour les Druides)

1913
No 25, 31, 37, 38, 39, 42, 46,
Notices sur les Sociétés secrètes anglaises rattachées à la Maçonnerie.
No 25, 28, 30, 32 et

1914
No 13, 15, 18, 20, 22, 24, 25, 28, 30,
Notices sur les Sociétés secrètes Américaines qui ne sont pas rattachées à la Maçonnerie.

En 1913 encore, il faut ajouter la notice sur l’Indian Academy of Science No 43 et 45.
Quant aux articles sur la Société Théosophique (Sceau de la Société Théosophique et H. P. Blavatsky et la Maç∴), ils sont extraits d’autres revues et les notes seules sont de vous.
La seule de vos indications dont je n’ai pu trouver trace c’est d’un premier article sur le Régime rectifié dès 1911. Il n’y a rien à cette date sur le sujet. Le premier apparaît en 1913 comme suite aux articles sur l’Initiation de Bonaparte et l’article sur Un initié des Sociétés secrètes supérieures “Franciscus Eques a capite galeato” signé Le liseur et qui doit être de vous. »

  • René Guénon à Luc Benoist, 1er septembre 1934 :
« Pour en revenir à la France Antimaçonnique, l’article sur “Franciscus, Eques a Capite Galeato” est bien de moi en effet comme vous l’avez pensé ; j’avais oublié celui-là, et pourtant c’est le livre en question qui a été le point de départ de toute la querelle avec Nicoullaud et Bord. Quant à “L’Initiation de Bonaparte”, bien que portant la signature de M. de la Rive, ce n’est de lui qu’en partie, et une bonne partie aussi est de moi. Enfin, pour ce qui est de l’article antérieur concernant le Régime Rectifié, je me demande s’il ne porte pas le titre de “Maçonnerie napoléonienne” ou quelque chose de ce genre ; en tout cas, il a dû paraître en 1911, comme je vous l’ai dit, peu de temps après un premier article sur Dante. »

Parmi ces différents textes figurent d’autres signatures : Le Liseur (pour l’article sur Franciscus, Eques a Capite Galeato), et La Rédaction (pour l’article annonçant la mort de Clarin de la Rive). Nous pensons qu’elles n’ont pas à être distinguées du Sphinx : en effet, elles interviennent dans le même cadre que Le Sphinx, et en tant que collaborateurs de La France Antimaçonnique, alors que Palingénius et René Guénon n’en sont pas à proprement parler, n’y ayant contribué que de l’extérieur, par lettres ou reproduction d’articles parus dans d’autres revues.

Les articles proposés par Benoist et confirmés par Guénon fournissent une première base, que nous avons complétée par divers autres, dont nous ne pouvons garantir l’attribution avec autant de certitude. Nous publions ces articles supplémentaires pour enlever tout doute, mais aussi pour rendre compte de la documentation consultée (certains ont juste un intérêt historique, parfois discutable, secondaire ou dépassé).

Cet ensemble plus large comprend donc des contributions possibles du Sphinx. Certains de ces articles illustrent son propos, d’autres contiennent des passages qui apparaîtront plus familiers au lecteur de Guénon pour avoir été intégrés à son œuvre, en particulier dans Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion (1921 ; 2e édition : 1928), mais également dans L’Erreur spirite (1923), ou dans Orient et Occident (1924 ; 2e édition : 1948).

Nous avons également inclus, à titre documentaire, certains articles, notamment de Clarin de la Rive, sur lesquels s’appuie Le Sphinx : la série Francmaçonnerie et Sociétés Secrètes ; l’article sur le Sceau des Théosophes ; celui sur L’Initiation Maçonnique du F∴ Bonaparte (ce dernier est de plus partiellement du Sphinx, comme dit dans les correspondances plus haut) ; enfin, le compte rendu d’un livre d’Esclarmonde, que nous pensons presque entièrement du Sphinx. Ont été exclus les autres articles dont l’auteur est identifié, auxquels renvoie Le Sphinx de façon plus anecdotique, comme Louis Hacault ou Louis Dasté (sauf un article dont la première partie est signée de ce dernier, et dont la suite semble être du Sphinx).

Le Théosophisme a des éléments en commun avec ceux donnés par le Swâmî Narad Mani et publiés dans son étude Le Baptême de Lumière, dans La France Antimaçonnique ; mais comme le dit Guénon dans les précédents extraits, il n’y a pas pris part, ni même probablement le Swâmî ; ils ne sont donc pas dans ce recueil.

Au passage, il nous faut à ce sujet signaler une curieuse confusion. Comme Guénon indiquait, à la fin des notes additionnelles du Théosophisme : « l’idée de ce livre nous avait été depuis longtemps suggérée par des Hindous, qui nous ont d’ailleurs fourni une partie de notre documentation », certains ont voulu reconnaître le Swâmî Narad Mani parmi ces Hindous, et, à partir de cette supposition, ont émis la thèse, qui semble aujourd’hui admise partout, que Guénon aurait fait un emprunt au Baptême de Lumière. Que le Swâmî soit un des Hindous en question, c’est possible, bien qu’il n’y ait aucune preuve dans ce sens. Mais Guénon suggère que le Swâmî n’a fait que donner sa signature à l’auteur du Baptême de Lumière, et cela est cohérent avec ce que nous apprend sa lecture, ce dernier n’a en réalité rien d’un Hindou, ni dans son expression, ni dans sa mentalité : sa « Maçonnerie Hindoue » par exemple (25e année, no 50, p. 540), et sa description des organisations hindoues en général ; d’autre part il renvoie sans réserve au livre du Dr Gibier, Le Spiritisme ou Fakirisme occidental : « Paul Gibier a laissé deux ouvrages intéressants : Spiritisme, analyse des choses, et le Fakirisme oriental » (25e année, no 49, p. 533) ; livre qui d’après Guénon « contient, en ce qui concerne l’Inde, de véritables énormités » (L’Erreur spirite, 1re partie, ch. IV).

Tout ce que le contenu commun entre Le Théosophisme et le Baptême de Lumière prouve donc, c’est que les Hindous que désigne Guénon ont également fourni leurs informations à l’auteur du Baptême de Lumière qui se présente comme le Swâmî Narad Mani.

*
*   *

Abordons désormais l’agencement choisi. Les textes forment un ensemble s’associant plus ou moins étroitement aux circonstances de la publication, et se citant les uns les autres. La cohérence chronologique avait donc une certaine importance. D’autre part, des regroupements thématiques nous ont semblé se faire d’eux-mêmes, sans pour autant aller jusqu’à un classement parfait, concernant ces textes divers qui s’interpénètrent et qui forment de plus un ensemble inachevé. Dans un souci de confort de lecture et de clarté, un compromis a été fait entre ces deux aspects.

Les thèmes que l’on rencontre sont, dans l’ordre :
  • De longues séries sur les sociétés secrètes, puis divers articles en majorité sur l’occultisme.
  • À partir de La Sœur 33e Annie Besant, Présidente de la Société Théosophique – Le sceau des Théosophes, un ensemble d’articles concernant pour une bonne part la Société Théosophique ; après cette société proprement dite, sont abordés le Protestantisme, le Gnosticisme, la Maçonnerie anglaise, les influences en Chine, en Turquie, en Inde, et enfin le bergsonisme.
  • À partir de La Visite de Bonaparte à l’O∴ de Nancy, une série qui traite d’abord de l’histoire de la Maçonnerie, et en particulier les questions de la reconnaissance de l’héritage templier et de celle des Supérieurs Inconnus. C’est au sujet de ces derniers qu’apparaît pour la première fois la signature Le Sphinx, sous laquelle est publié À propos des Supérieurs Inconnus et de l’Astral, et que survient une querelle avec des écrivains antimaçons. À la fin de cette série sont regroupés des articles traitant de l’actualité : la fondation en France d’une Loge du Régime Écossais Rectifié et la création de la Grande Loge Nationale de France.
  • Des documents sur les organisations initiatiques occidentales.
  • Les Réflexions à propos du « Pouvoir Occulte », dont le caractère récapitulatif nous paraît à propos pour conclure cet ensemble d’articles.
  • Enfin, deux articles en lien avec la vie de la Revue.

*
*   *

Les deux derniers articles abordent, d’une part, l’événement historique qui a causé le déclenchement de la première guerre mondiale (et accessoirement l’interruption de la Revue), et, d’autre part, la mort de son directeur Abel Clarin de la Rive, au début de juillet 1914.

Avant lui, la Revue avait été dirigée par Léo Taxil jusqu’en janvier 1896. Elle avait à l’origine pour titre La France Chrétienne. Elle est devenue La France Chrétienne Antimaçonnique le 16 juin 1910, puis La France Antimaçonnique le 5 janvier 1911. La première guerre mondiale a été déclarée le 28 juillet 1914, ce qui coïncide avec la publication de son dernier numéro, le 30 juillet 1914.

Pour la période qui a été considérée, allant de 1909 à 1914, c’était un hebdomadaire de 12 pages paraissant le jeudi (à part certaines interruptions en 1911).

Nous n’avons pas reproduit les différents portraits, de mauvaise qualité dans les versions de la Revue consultées.

Dans les premiers articles sur les sociétés secrètes, plusieurs totaux semblent inexacts, ils ont été laissés tels quels.

*
*   *

À plusieurs reprises dans la Revue, il est question d’une étude à venir sur la H. B. of L. (Hermetic Brotherhood of Luxor), notamment dans le dernier article de la série sur les Sociétés Secrètes américaines, p. 227, mais cette annonce restera sans suite. Au sujet de cette organisation, il est possible de trouver des informations dans Le Théosophisme et dans L’Erreur spirite, ainsi que dans les deux articles du Voile d’Isis : F.-Ch. Barlet et les sociétés initiatiques (avril 1925) et Quelques précisions à propos de la H. B. of L. (octobre 1925), informations que complètent ces extraits de la correspondance de René Guénon à Patrice Genty :

  • 28 février 1937 :
« Il est exact que Théon s’est dit d’origine chaldéenne ; c’est possible après tout, mais ce mot, à notre époque et depuis bien longtemps, ne désigne pas autre chose qu’une population chrétienne, du reste peu nombreuse, ayant une liturgie particulière. – Quant à Burgoyne, Davidson et la H. B. of L., je ne crois pas qu’il y ait jamais eu là d’autre “rattachement” réel que celui qui provenait de Randolph ; quant aux prétentions “rosicruciennes” que celui-ci y avait adjointes, elles paraissent plutôt fantaisistes ; il n’y avait sûrement rien d’hindou (tous le déclaraient même expressément), et un rattachement égyptien, s’il n’est pas islamique, n’est qu’une histoire qui ne tient pas debout. »

  • 5 mai 1937 :
« Malgré le titre de la H. B. of L., ses enseignements ne paraissent pas avoir en somme grand rapport avec l’hermétisme au sens propre du mot ; cela ne veut pas dire qu’ils soient sans valeur, mais il semble qu’on ait voulu embrouiller la question de leur provenance, qui, en tout cas, n’est certainement pas égyptienne. Comme j’ai déjà dû vous le dire, je ne crois pas qu’il y ait jamais eu d’autre rattachement authentique que du côté des Nosaïris ; c’est d’ailleurs une raison de se méfier et de ne pas accepter les choses sans les examiner de près, car tout ce qui est “secte”, comme c’est ici le cas, a forcément des doctrines d’un caractère très mélangé ; sûrement, il y aurait un sérieux tri à faire dans tout cela pour en dégager les éléments qui pourraient être vraiment utilisables… »

Le Sphinx avait également l’intention de publier une étude sur la Stricte Observance Templière, comme il l’annonce à la fin de la note 4 du 2e article sur le Régime Écossais Rectifié (p. 596). Il n’aura jamais l’occasion de réaliser ce projet. On peut cependant trouver au sujet de cet Ordre quelques indications éparses à travers diverses recensions de livres de René Guénon : Un Mystique lyonnais et les secrets de la Franc-Maçonnerie (1730-1824), d’Alice Joly, principalement axé sur la « réforme » willermozienne ; Martinès de Pasqually : Un Thaumaturge au XVIIIe siècle, de Gérard Van Rijnberk, relatif à la vie et à la carrière maçonnique de Martinès de Pasqually ; Épisodes de la Vie Esotérique (1780-1824), du même auteur, sur quelques hauts dignitaires de la Stricte Observance et du Régime Écossais Rectifié ; etc.

Réputé pour ses travaux sur les Illuminés de Bavière, sur l’Église Gnostique, et pour son livre consacré à Martinès de Pasqually (La Franc-Maçonnerie occultiste au XVIIIe siècle et l’Ordre des Élus Coëns) qui reçut un accueil favorable de Guénon, l’historien René Le Forestier acheva, en 1950, un an avant sa mort, un monumental ouvrage de plus de 1000 pages, publié vingt ans après, et qui, contrairement à ce qu’indique son titre (La Franc-Maçonnerie templière et occultiste aux XVIIIe et XIXe siècle), ne traite pas de toute la Maçonnerie de l’époque, mais seulement de la Stricte Observance et du Régime Écossais Rectifié, sur lesquels il fournit une documentation très abondante.

Pour cet ouvrage en particulier, et sur les informations qu’il fournit relativement aux filiations de la Maçonnerie, nous renverrons aux remarques de Denys Roman (René Guénon et les destins de la Franc-Maçonnerie, ch. V). Ce dernier a également abordé différents aspects de l’histoire des deux Ordres dans ses études intitulées Cagliostro, la Franc-Maçonnerie et les Ordres de Malte et Willermoz, ou les dangers des innovations en matière maçonnique (Réflexions d’un Chrétien sur la Franc-Maçonnerie, ch. XIV et XV).

Ces indications n’ont pas la prétention d’être exhaustives et visent principalement à rafraîchir le point de vue du Sphinx par celui de Guénon.





Table des matières
TitreAnnéeNuméroDateSignatureConfirmé par GuénonPage
Francmaçonnerie et Sociétés Secrètes262306/06/1912A. C. de la Rive (début)19
II262413/06/1912A. C. de la Rive35
III262627/06/1912A. C. de la Rive45
IV262704/07/1912A. C. de la Rive61
V262811/07/191271
VI262918/07/191281
VII263101/08/191289
VIII263208/08/191293
IX263315/08/191297
X263529/08/1912101
XI263605/09/1912107
XII263819/09/1912115
Renseignements complémentaires sur la Maçonnerie et les divers Ordres qui y sont rattachés272519/06/1913×117
Notice sur les diverses Sociétés Secrètes américaines qui ne sont pas officiellement rattachées à la Maçonnerie272519/06/1913×125
(suite)272810/07/1913×129
(suite)273024/07/1913×145
(suite)273207/08/1913×155
(suite)281326/03/1914×161
(suite)281509/04/1914×179
(suite)281830/04/1914×187
(suite)282014/05/1914×191
(suite)282228/05/1914×197
(suite)282411/06/1914×203
(suite)282518/06/1914×207
(suite)282809/07/1914×213
(suite)283023/07/1914×221
Les Adversaires du Symbolisme273314/08/1913233
Les Adversaires du Symbolisme273604/09/1913235
Signe des Temps273604/09/1913237
HOLLANDE – Les Frères de la Lumière Intérieure274613/11/1913239
HOLLANDE – Les Frères de la Lumière Intérieure282809/07/1914241
ANGLETERRE – Une nouvelle organisation rosicrucienne ?282702/07/1914243
ANGLETERRE – L’Ordre initiatique réformé des Rose-Croix283130/07/1914×245
Échos – Une appréciation sur l’Occultisme282518/06/1914247
Échos – Une prétendue « Église Satanique »282518/06/1914249
ALLEMAGNE – L’Ordre des Samaritains Inconnus283130/07/1914×251
La Sœur 33e Annie Besant, Présidente de la Société Théosophique – Le sceau des Théosophes271801/05/1913A. C. de la Rive253
Les Tribulations du Christ futur272122/05/1913257
Le F∴ John Yarker272519/06/1913259
Le F∴ John Yarker 33e, 90e, 97e, VIIe, etc.273925/09/1913261
Mme H.-P. Blavatsky et la Maçonnerie273314/08/1913J. L. (M. S. T.)× (notes)269
(suite)273604/09/1913J. L. (M. S. T.)× (notes)275
Le Christianisme théosophique273604/09/1913×283
Curieuse Coïncidence273604/09/1913×289
Théosophes et Théosophistes273925/09/1913291
Le Sceau de la Société Théosophique274904/12/1913× (notes)293
Éloges théosophiques à M. Poincaré28101/01/1914297
L’Antoinisme et les Théosophistes28101/01/1914299
Symbolisme maçonnique et Théosophie28208/01/1914E. P. N.301
Dreyfusisme et Théosophie28605/02/1914309
Échos – Érudition occultiste282518/06/1914313
L’Église Catholique Française281907/05/1914×315
(suite)282304/06/1914×321
(suite)282625/06/1914×325
(suite)282702/07/1914×331
(suite)283130/07/1914×335
ÉTATS-UNIS – L’Église Nationale d’Amérique28926/02/1914339
Échos – La fin d’un schisme282809/07/1914341
Le Russellisme28101/01/1914343
ALLEMAGNE – Une nouvelle secte282518/06/1914345
Échos – Maçonnerie et Protestantisme282809/07/1914347
ANGLETERRE – Un Ordre de Chevalerie anglican282809/07/1914349
L’Initiation de la Princesse Karadja27820/02/1913351
ANGLETERRE – L’Alliance Gnostique Universelle28712/02/1914357
Bibliographie273314/08/1913A. C. de la Rive361
À propos des Gnostiques273604/09/1913367
ESPAGNE – Rite National Espagnol273528/08/1913369
Échos – La Grande Loge Catalana-Balear282809/07/1914373
ANGLETERRE – Le Prince Arthur de Connaught initié à la Maçonnerie252201/06/1911375
CANADA273604/09/1913377
Notice sur les diverses Sociétés Secrètes Anglaises qui sont rattachées à la Maçonnerie Anglaise – ANGLETERRE273131/07/1913×379
(suite)273711/09/1913×385
(suite)273818/09/1913×391
(suite)273925/09/1913×399
(suite)274216/10/1913×405
(suite)274613/11/1913×409
ANGLETERRE – L’Ordre Antédiluvien du Buffle282916/07/1914413
CHINE – Sun Yat Sen contre Yuan Shi Kaï273711/09/1913415
JAPON – Mort du F∴ Comte Hayashi273818/09/1913419
CHINE – Le Protestantisme et la Révolution28101/01/1914421
Les Vampires de la Turquie – Les Deunmés27102/01/1913423
L’affaire Chérif pacha – Les tribulations d’Iskender bey28605/02/1914427
Échos – L’attentat contre Chérif pacha282916/07/1914429
INDE – L’Académie Indienne de Science274323/10/1913×431
(suite et fin)274506/11/1913×437
Le F∴ Charles Richet à l’Académie des Sciences28529/01/1914441
Échos – Carnegie et l’Occultisme282916/07/1914443
INDE – Le Brahma-Samâj – L’Arya-Samâj275011/12/1913×445
Vers la Sagesse273925/09/1913459
Échos282228/05/1914463
INDE – Le Serment des « Frères du Service »282809/07/1914465
ÉTATS-UNIS – La Ligue de Réforme Théosophique d’Amérique282916/07/1914467
Le Bergsonisme273818/09/1913469
Le Bergsonisme274216/10/1913471
M. Bergson et la « Libre Parole »28101/01/1914Le Sphinx×473
La Visite de Bonaparte à l’O∴ de Nancy25609/02/1911477
Ordre des Noachites Français (1816) – Maçonnerie Napoléonienne253607/09/1911×479
Un côté peu connu de l’Œuvre de Dante254005/10/1911×483
La Loge « Le Centre des Amis » (G∴ O∴ D∴ F∴)254005/10/1911485
Un Initié des Sociétés Secrètes supérieures (1753-1814) « Franciscus, Eques a capite galeato »272810/07/1913Le Liseur×491
L’Initiation Maçonnique du F∴ Bonaparte273131/07/1913A. C. de la Rive× (en partie)495
Le Régime Écossais Rectifié de 1776 à 1815273314/08/1913×503
« Houzé Napoleone ! « Vivat il nostro F∴ il G∴ Napoleone ! »274002/10/1913Louis Dasté (début)511
La Stricte Observance et les Supérieurs Inconnus274720/11/1913×517
(suite)274904/12/1913×529
À propos des Supérieurs Inconnus et de l’Astral275118/12/1913Le Sphinx×537
« L’Énigme »28529/01/1914Le Sphinx×551
Réponse à M. Nicoullaud28712/02/1914Le Sphinx×569
M. Nicoullaud récidive…281219/03/1914Le Sphinx×577
Dernière réponse à M. Gustave Bord281907/05/1914Le Sphinx×585
Le Régime Écossais Rectifié(suite)28819/02/1914Le Sphinx×595
(suite et fin)28926/02/1914Le Sphinx×613
Échos – La Grande Loge Nationale de France282228/05/1914623
Échos – Maçonnerie anglo-française282809/07/1914625
Quelques documents inédits sur l’Ordre des Élus Coëns281723/04/1914Le Sphinx×627
(suite)282121/05/1914×633
(suite)282228/05/1914×639
(suite)282304/06/1914×643
(suite)282809/07/1914×649
Maçonnerie Opérative274216/10/1913655
L’Ésotérisme de Dante281005/03/1914Le Sphinx×659
Réflexions à propos du « Pouvoir Occulte »282411/06/1914Le Sphinx×669
(suite)282518/06/1914Le Sphinx×677
Échos – Assassinat de l’archiduc héritier d’Autriche282809/07/1914685
Monsieur A. C. de la RIVE282916/07/1914La Rédaction×687






samedi 6 juin 2015

À propos des attaques contre le Swâmî Narad Mani


Plan :

Introduction
1) Questions de sources
2) Accusations contre le Swâmî
      a) Un mystificateur ?
      b) Un spirite ?
      c) Un pro-maçon ?
      d) Un anti-catholique ?
Conclusion
P. S.


Introduction

« Le Swâmî Narad Mani » est la signature sous laquelle a été publiée une étude historique sur la Société Théosophique, intitulée Le Baptême de Lumière (sous-titre : Notes pour servir à l’Histoire de la Société dite Théosophique), étude inachevée, originellement parue dans La France Antimaçonnique, du 19 octobre 1911 au 29 février 1912. On peut consulter cette étude, par exemple ici :

Une réédition est parue en 2003 aux éditions Archè, à la suite de laquelle se trouve une postface (signée L. T., initiales de Laszlo Toth, le directeur des éditions Archè) qui se veut très incisive contre le Swâmî Narad Mani, Abel Clarin de la Rive, René Guénon, etc.

À première vue, cette hostilité, lourde et insistante jusqu’à l’absurde, est vraiment étonnante, et jure avec l’étude elle-même, introduite dans La France Antimaçonnique par Clarin de la Rive de façon assez originale et amusante, puis déroulant un récit qui arrive à être assez vivant malgré son caractère documentaire. Son contenu, qui comporte certes quelques défauts d’expression et certaines fantaisies sur des points annexes, constitue un exposé sérieux et dense sur la Société Théosophique, s’appuyant sur un grand nombre d’informations sourcées, ce qui en fait un précurseur du Théosophisme, étude bien plus conséquente que René Guénon publiera en 1921.


1) Questions de sources

Le Théosophisme contient une grande partie du contenu de cette étude, ce qui a fait dire à certains que le Swâmî était en réalité René Guénon. Celui-ci répond lui-même dans la correspondance suivante :
J’ai reçu ces jours derniers une lettre de M. de Frémond, qui me parle de votre correspondance au sujet de la France Antimaçonnique. À ce sujet, je ne sais pas s’il y a quelque chose d’antérieur à l’année 1911 ; en tout cas, ce serait peu important. Les « lettres d’un gnostique… », etc., ne sont pas de moi, non plus que les documents sur la Société Théosophique ; le Swâmî Narad Mani a d’ailleurs existé, car je l’ai connu, mais je pense que, dans la circonstance, il n’a fait que donner sa signature ; en tout cas, je ne suis pour rien là-dedans.
René Guénon à Luc Benoist, 2 juillet 1934.

Dans la postface susnommée, cette citation est fournie. Si l’amalgame n’est pas fait trop grossièrement entre Guénon et le Swâmî, tous les efforts sont cependant fait pour les lier.

D’abord, il est avancé que l’étude de ce dernier serait « sinon la source principale, du moins le point de départ de René Guénon pour la rédaction de son livre Le Théosophisme, Histoire d’une pseudo-religion. » (p. 167). Cette thèse de l’emprunt, expédient habituel des esclaves de la « méthode historique », est assez répandue. Pourtant, ce n’est pas ce que Guénon indique, à la fin des notes additionnelles du Théosophisme (notes ajoutées dans la version de 1928) : « l’idée de ce livre nous avait été depuis longtemps suggérée par des Hindous, qui nous ont d’ailleurs fourni une partie de notre documentation ». L’auteur du Baptême de Lumière a-t-il quoi que ce soit d’un Hindou, à part le nom d’emprunt avec lequel il signe ? Il n’y a aucune preuve allant dans ce sens ; au contraire, il a tout d’un occidental dans son expression et dans sa façon de penser : sa « Maçonnerie Hindoue » par exemple (p. 87 du livre ; p. 540 de la revue, 25e année, no 50), et sa description des organisations hindoues en général ; d’autre part il renvoie sans réserve au livre du Dr Gibier, Le Spiritisme ou Fakirisme occidental : « Paul Gibier a laissé deux ouvrages intéressants : Spiritisme, analyse des choses, et le Fakirisme oriental » (en note, p. 70 du livre ; p. 533 de la revue, 25e année, no 49) ; livre qui d’après Guénon « contient, en ce qui concerne l’Inde, de véritables énormités » (L’Erreur spirite, 1re partie, ch. IV).

Le contenu commun montre en réalité que les Hindous ont aidé l’auteur du Baptême de Lumière, tout comme ils ont aidé Guénon.


René Guénon ne s’est jamais référé pour sa part au Swâmî Narad Mani de La France Antimaçonnique. Ils sont indépendants l’un de l’autre, et, en particulier, le premier n’a pas à répondre des affirmations et de l’expression du second, par exemple lorsque celui-ci utilise le terme spiritualisme. Guénon quant à lui dit nettement à propos de ce terme :
tout ce qu’on appelle « spiritualisme » ou « idéalisme » n’est-il, le plus souvent, qu’une sorte de matérialisme transposé ; cela n’est pas vrai seulement de ce que nous avons désigné sous le nom de « néo-spiritualisme », mais aussi du spiritualisme philosophique lui-même, qui se considère pourtant comme l’opposé du matérialisme. À vrai dire, spiritualisme et matérialisme, entendus au sens philosophique, ne peuvent se comprendre l’un sans l’autre : ce sont simplement les deux moitiés du dualisme cartésien, dont la séparation radicale a été transformée en une sorte d’antagonisme ; et, depuis lors, toute la philosophie oscille entre ces deux termes sans pouvoir les dépasser. Le spiritualisme, en dépit de son nom, n’a rien de commun avec la spiritualité ; son débat avec le matérialisme ne peut que laisser parfaitement indifférents ceux qui se placent à un point de vue supérieur, et qui voient que ces contraires sont, au fond, bien près d’être de simples équivalents, dont la prétendue opposition, sur beaucoup de points, se réduit à une vulgaire dispute de mots.
La Crise du Monde moderne, ch. VII.

Mais cette indépendance établie, il ne nous semble pas inintéressant d’aborder quand même les divers points sur lesquels on prétend les opposer ou les confondre, pour illustrer les procédés grossiers mis en œuvre.



2) Accusations contre le Swâmî

a) Un mystificateur ?

Dans la suite (p. 168), M. Toth dénonce un « silence, suspect sinon coupable », à propos de la « présentation du personnage de Narad Mani », et de son « caractère mystificateur », « évident ». On prend visiblement au premier degré la façon ironique dont est introduit le Swâmî (l’invocation par un mantram, la « voix caverneuse », le « coup de gong », jusqu’à la « clochette magique » qui sonne lorsque les feuilles de papier de l’étude tombent sur le parquet, « numérotées au crayon rouge »), alors que c’est évidemment fait pour moquer les méthodes de Blavatsky. L’auteur de la postface admet pourtant que « Narad Mani mentionne » « souvent » « avec sarcasme ce procédé frauduleux chez Mme Blavatsky » (p. 169), mais au lieu de voir la contradiction de son accusation, sa soi-disant « légitime indignation pour cette impudence se trouve renforcée ».


b) Un spirite ?

Si c’est d’abord Clarin de la Rive, le directeur de La France Antimaçonnique, qui est montré du doigt concernant cette pseudo-mystification, c’est au tour de René Guénon de se voir directement attaquer, responsable car « déjà, et même puissamment, présent » (?) dans la revue, coupable de « machiavélisme à base métaphysique » et également d’être « cynique ». Voici l’élaboration fantasmagorique qui nous est présentée : on part d’une révélation tonitruante, « une chose surprenante, voire choquante (L. de Maistre dit “déconcertante”) » (p. 170) : « Cette chose, la voici : Narad Mani, le pourfendeur de la Société Théosophique et de sa fondatrice, se révèle un défenseur convaincu du spiritisme ». Ce serait un plan des Supérieurs Inconnus pour compenser l’erreur du matérialisme, et ainsi se répéterait avec 64 ans de retard la création en 1848 du mouvement spirite, décrite par Guénon dans L’Erreur spirite. Nous aborderons peut-être en détail cette histoire abracadabrantesque dans un prochain article ; pour le moment nous nous contenterons de faire remarquer qu’elle est ruinée d’avance par ce qui suit, qui montre l’absurdité du postulat sur lequel elle repose.

Le Swâmî défend-il vraiment le spiritisme ? Rien n’est moins sûr. Laszlo Toth avance la « pure hypothèse » d’« une équivoque » sur le mot spiritualisme, qui serait peut-être « spiritualism astucieusement traduit » et pourrait alors être en fait égal à spiritisme ; puis il y a « une équivoque dans l’équivoque », que causeraient les rapports entre spiritualisme et matérialisme, qui mène… on ne sait où.

Cette affirmation hasardeuse a vraisemblablement été trouvée dans le livre de Louis de Maistre, L’énigme René Guénon et les Supérieurs Inconnus, qui lui n’est même pas équivoque, mais carrément contradictoire : p. 69, il est dit à propos du Swâmî que « son écrit s’élève contre les fondateurs de la S.T. au nom du spiritisme le plus vulgaire », « mais sans laisser transparaître le fond de sa pensée, à savoir s’il croit vraiment ou non à la communication des défunts avec les vivants ». En lisant l’étude du Swâmî, on constate en fait qu’il ne défend pas le spiritisme contre Blavatsky, mais qu’il dénonce simplement sa versatilité, son opportunisme, sa duplicité, en particulier dans son attitude par rapport aux spirites, qu’elle avait d’abord cherché à séduire en vantant leurs théories pour plus tard les dénigrer : « En même temps que Home s’attaque à Mme Blavatsky et que “John King” disparaît, voilà que l’ancienne magnétisée de Michal cesse d’être un médium et déclare avoir consacré sa vie entière, non plus au spiritisme et au spiritualisme, mais à l’étude de l’ancienne Kabbale, de l’Occultisme et des Sciences occultes. » (P. 84 du livre ; p. 540 de la revue, 25e année, no 50.) On notera au passage que, dans cette dernière citation, la distinction entre spiritisme et spiritualisme est nettement établie par le Swâmî.

On peut même penser qu’il n’était pas du tout spirite, puisque comme on l’a vu, il renvoie sans réserve au livre du Dr Gibier, « qui n’était nullement un spirite » (René Guénon, L’Erreur spirite, 1re partie, ch. IV).

Nous ne voyons pas particulièrement d’équivoque, mais une multiplicité d’usages du mot spiritualisme, dont le sens se déduit immédiatement dans le contexte. Par exemple, l’expression de « mouvement spiritualiste chrétien » (p. 49 du livre ; p. 480 de la revue, 25e année, no 44) désigne bien le mouvement spirite, mais le contexte dans lequel elle est employée et sa précision permettent aisément de ne pas faire la confusion avec les divers autres passages où le mot spiritualisme est employé dans d’autres sens. Il est vrai que Guénon a une terminologie plus précise, notamment par le recours à l’expression néo-spiritualisme, mais l’effort pour comprendre le Swâmî nous paraît tout à fait surmontable. Peu importe, le directeur d’Archè, qui en a besoin pour sa thèse, amalgame spiritualisme et spiritisme systématiquement, ce qui lui fait faire des anachronismes (p. 173, note 2, il parle du « spirit(ual)isme de Swedenborg », rajoutant de lui-même les parenthèses, alors qu’à l’époque de Swedenborg le spiritisme n’existait pas encore), et cela va jusqu’à lui faire déformer une citation de l’étude, p. 176 : « “On commença donc à parler de la possibilité d’une réconciliation entre la Science et le Christianisme, et même de l’unification possible des divers cultes chrétiens, quand, tout à coup, vers la fin de 1878, peu après la rupture du Grand-Orient de France [lorsque celui-ci abolit le G.'. A.'. D.'. L.'. U.'.] avec le Spiritualisme et la Franc-Maçonnerie Universelle” », pour isoler le premier terme du second et rattacher plus facilement le spiritualisme au spiritisme, alors que la citation réelle est « la rupture du Grand-Orient de France avec le Spiritualisme de la Franc-Maçonnerie Universelle » (p. 14 du livre ; p. 462 de la revue, 25e année, no 43), ce qui donne au contraire un exemple de passage où le mot spiritualisme est utilisé dans son sens philosophique, et ne peut alors aucunement être pris pour une mauvaise traduction de spiritisme.

En note de ce passage déformé, il est ajouté : « Pourtant, deux ans plus tôt, René Guénon dut “protester hautement contre une campagne encore plus ridicule qu’odieuse, menée depuis quelques temps contre cette dernière [la « Maçonnerie française » (dont parle Narad Mani) qui avait supprimé la formule A.'. L.'. G.'. D.'. G.'. A.'. D.'. L.'. U.'.], en France même, au nom d’un prétendu spiritualisme” », pour faire croire que Palingénius proteste alors contre le spiritisme. Voilà le passage complet :
On voit par là que l’orthodoxie maçonnique, telle que nous l’avons définie, est liée à l’ensemble du symbolisme envisagé comme un tout harmonique et complet, et non exclusivement à tel ou tel symbole particulier, ou même à une formule telle que A.'. L.'. G.'. D.'. G.'. A.'. D.'. L.'. U.'., dont on a voulu parfois faire une caractéristique de la Maçonnerie régulière, comme si elle pouvait constituer à elle seule une condition nécessaire et suffisante de régularité, et dont la suppression, depuis 1877, a été si souvent reprochée à la Maçonnerie française. Nous profiterons de cette occasion pour protester hautement contre une campagne encore plus ridicule qu’odieuse, menée depuis quelque temps contre cette dernière, en France même, au nom d’un prétendu spiritualisme qui n’a que faire en cette circonstance, par certaines gens qui se parent de qualités maçonniques plus que douteuses ; si ces gens, à qui nous ne voulons pas faire l’honneur de les nommer, croient que leurs procédés assureront la réussite de la pseudo-Maçonnerie qu’ils essayent vainement de lancer sous des étiquettes variées, ils se trompent étrangement.
Palingénius, L’Orthodoxie maçonnique, La Gnose, avril 1910 (et non « 1912 » comme dit dans la postface).

En réalité, à quoi est-il fait allusion précisément dans ce contexte ? Par les citations qui suivent, on voit, encore une fois, que ce n’est pas du tout le spiritisme. Mais cela n’a rien d’extraordinaire, on constate juste la diversité d’usages du mot spiritualisme :
l’expression « maçonnerie spiritualiste » ne correspond absolument à rien, attendu qu’elle n’est qu’une invention de certains occultistes.
René Guénon, La Kabbale juive, traduction du compte rendu paru en italien dans Ignis, 1925.

Quant à la prétendue Maç.'. de Papus, il est à peine besoin de dire que cela n’a aucune valeur ; vous savez d’ailleurs que les tentatives faites par Papus pour entrer dans la Maç.'. ont toujours échoué, même dans la L.'. dont son père faisait partie.
René Guénon à Patrice Genty, 21 octobre 1934.

Le F.'. Waite a accusé Papus et son école d’antimaçonnisme ; cela peut paraître exagéré à première vue, en ce sens qu’ils semblaient ne s’attaquer qu’au seul G.'. O.'. ; mais, quand on examine certaines choses de plus près, on doit reconnaître qu’il n’avait pas tort.
René Guénon à Maurice Gloton, 17 mai 1947.


c) Un pro-maçon ?

Ce qui est curieux, c’est que d’un côté, Laszlo Toth reproche au Swâmî d’être favorable à la Franc-Maçonnerie :
Le troisième (et dernier) point – de taille – est la façon de présenter la Maçonnerie en général et ses diverses obédiences en particulier.

Elle n’est jamais présentée sous une lumière négative, ou du moins critique, comme les lecteurs de la publication de Clarin de la Rive eussent pu à juste titre s’y attendre ; au contraire, souvent Narad Mani en offre une image en tous points respectable.

Tandis qu’à propos de la pseudo-conversion de Taxil, il affirme contre l’évidence que c’est encore et toujours le spiritisme que le Swâmî croirait nécessaire de défendre, et non la Maçonnerie :
Concernant le spirit[ual]isme et le christianisme – tous deux objet [sic] des attaques de ce qu’il appelle la Doctrine de l’Ombre –, Narad Mani va jusqu’à y associer théoriquement « la fameuse conversion » de Léo Taxil « dont l’intention était de faire flèche lui aussi contre le Spiritualisme que Mme Blavatsky n’avait pu abattre ».

Le passage en question :
La Société des Recherches Psychiques déclara donc que Mme Blavatsky n’était qu’un véritable imposteur « coupable d’une combinaison longuement continuée avec d’autres personnes, en vue de produire, par des moyens ordinaires, une série d’apparentes merveilles pour le soutien du mouvement théosophique ».

Tromper est une nécessité blavatskienne

Ce coup d’assommoir, qui provoqua beaucoup de démissions nouvelles à Londres et fut bientôt cause de la ruine de la branche de Paris, eut cependant moins de retentissement dans la presse profane que n’en eut alors l’affiliation, au Grand-Orient de France, d’un anti-spiritualiste notoire, M. Ch. Bradlaugh, grand ami du F.'. prince Napoléon et de Mme Annie Besant, ou de la fameuse conversion du F.'. Léo Taxil, dont l’intention était de faire flèche, lui aussi, contre le Spiritualisme que Mme Blavatsky n’avait pu abattre.
P. 33 du livre ; p. 472 de la revue, 25e année, no 43.

Nous pouvons donc en conclure sur ce point que l’auteur du Baptême de Lumière est bien favorable à une Maçonnerie qu’il qualifie assez malencontreusement de spiritualiste, et cela montre encore son usage de ce terme dans un sens philosophique et non pour décrire les conceptions spirites.


d) Un anti-catholique ?

Enfin, et c’est ce que le directeur d’Archè semble considérer comme le feu d’artifice de la postface, le Swâmî Narad Mani serait ennemi du Catholicisme romain :
Malgré toutes ses affirmations ambiguës, dans une optique anti-blavatskyenne, Narad Mani laisse entrevoir sa véritable stratégie assez mal dissimulée : le vrai ennemi visé c’est le christianisme sous sa forme la plus structurée et la plus rigoureuse, à savoir le catholicisme romain. Le lecteur avisé de son texte aura remarqué que l’une des « Notes » s’intitule significativement « Les pires chemins conduisent à Rome » et se termine ainsi :

« Or, la superstition, la déception et l’imposture, contre lesquelles le Spiritualisme n’a jamais cessé de lutter, ont toujours été les marques distinctives du Satanisme, auquel, grâce à la prétendue Science matérialiste, on ne croyait plus généralement ; il s’ensuit donc que, tout en croyant se moquer du monde, la Société de Mme Besant – avec son Krishna-Murti d’un club à miracles et ses faux Mahatmas destinés à remplacer les saints du calendrier – est en train de continuer de plus belle à rétablir un des dogmes fondamentaux du Christianisme, qu’on s’était promis d’abattre. »

Mis à part son dépit pour un rétablissement d’un des dogmes fondamentaux du Christianisme, c’est par cet “on” que Narad Mani se trahit.

On croit rêver ! Ces propos n’ont pas été publiés n’importe où, mais dans La France Antimaçonnique, organe du Conseil Antimaçonnique de France !

Voilà le passage complet :
Les pires chemins conduisent à Rome

Ni le Bouddhisme, ni le Christianisme, ni l’Islamisme, ni le Judaïsme, ni le Parsisme, ni le Shintoïsme, ni aucun des autres cultes religieux représentés en 1893 au Congrès de Chicago, n’a chargé M. Gyanendra N. Chakravarti de faire croire à sa Magnétisée qu’elle en était le trait d’union, de lui faire convertir la congrégation blavatskienne en Église dominant toutes les autres, de métamorphoser en Papesse l’ancienne camarade en athéisme du F.'. Bradlaugh, et d’envoyer la S.'.'. Besant à Paris, afin d’y exhiber son Krishna-Murti de café-concert.

Pour en finir avec cette « Missionnaire », il suffirait, croyez-le bien, de lui demander publiquement de qui elle tient ses « pouvoirs » et d’exiger d’elle la production de ses « titres ».

Le Spiritualisme a de tout temps cherché à libérer la Religion de la superstition, tandis que la Société dite Théosophique, avec ses Mahatmas en mousseline et ses faux miracles, n’a jamais cherché qu’à faire revivre les croyances superstitieuses.

À cette Société, née avec Mme Blavatsky pour « détruire le spiritualisme », pour répandre dans les pays chrétiens l’idée qu’« il n’y a pas de Dieu personnel ou impersonnel », pour « balayer le Christianisme de la surface de la terre », et pour affirmer avec Mme Besant qu’« être converti au Christianisme est plus mauvais que d’être un sceptique ou un matérialiste », – à cette Société-là, disons-nous, nul dans notre pays, à part les « lions et les aigles » que Mme Blavatsky convertissait « en ânes et en oies », ne peut accorder aucune espèce de crédit.

Le Krishna-Murti des employeurs taxiliens de Mme Besant, c’est l’application cynique de ce système de Mme Blavatsky : « Il est nécessaire de tromper les hommes pour les gouverner ».

Et ceci est si vrai, qu’à l’heure même où, en 1895, naissait ce soi-disant Messie, M. Herbert Burrows, le socialiste anglais bien connu, le vieil ami, le parrain de Mme Besant, annonçait publiquement qu’il quittait la Société Théosophique parce qu’il avait reconnu qu’elle était « un danger permanent pour l’honnêteté et la vérité et une perpétuelle porte ouverte à la superstition, à la déception et à l’imposture ».

Or, la superstition, la déception et l’imposture, contre lesquelles le Spiritualisme n’a jamais cessé de lutter, ont toujours été les marques distinctives du Satanisme, auquel, grâce à la prétendue Science matérialiste, on ne croyait plus généralement : il s’ensuit donc que, tout en croyant se moquer du monde, la Société de Mme Besant – avec son Krishna-Murti sorti d’un club à miracles et ses faux Mahatmas destinés à remplacer les saints du calendrier – est en train de continuer de plus belle à rétablir un des dogmes fondamentaux du Christianisme, qu’on s’était promis d’abattre.

Qui sait même si cela n’est pas à cause de cela que, de blavatskienne qu’elle était, la fille de Mme Besant s’est faite catholique-romaine ?

S’il n’y a pas de Religion plus haute que la Vérité, il est certain qu’il n’y en a pas de plus basse que la Fourberie.

D’où la nécessité, pour quiconque veut faire son choix, de connaître la vérité sur la Société dite Théosophique et de s’assurer si celle-ci n’a pas été établie, comme l’a prouvé le rapport d’Hodgson, par un des plus grands imposteurs de l’Histoire.
P. 67 du livre ; p. 531 de la revue, 25e année, no 49.

Nous n'avons pas vu en quoi ce texte pouvait être anti-catholique, au contraire.

De quel dogme fondamental parle-t-on ?
« Un des dogmes fondamentaux du Christianisme », « qu’on s’était promis d’abattre », « grâce à la prétendue Science matérialiste » : c’est « le Satanisme », dont « les marques distinctives » sont « la superstition, la déception et l’imposture ».

Il est courant de dire qu’une des ruses du diable est de faire croire qu’il n’existe pas : c’est simplement ce qui est dit ici, ainsi que le fait qu’il est trahi, remis au jour, par les méfaits de la Société Théosophique. Le Swâmî étant opposé au matérialisme, il est évident, pour qui en douterait encore, que par on il ne désigne pas sa propre personne, mais ses adversaires.

L'expression « Les pires chemins mènent à Rome » elle-même n’est pas plus hostile au Catholicisme que l'expression « le diable porte pierre », à laquelle elle nous semble assez analogue.



Conclusion

On a vu que non seulement René Guénon et le Swâmî Narad Mani sont indépendants l’un de l’autre, mais qu’en outre les attaques diverses contre le Swâmî, qui n’ont aucun enjeu en elles-mêmes mais seulement pour viser Guénon plus ou moins directement, sont dénuées de tout fondement.

À la fin de sa postface, Laszlo Toth donne une confirmation supplémentaire de sa cible principale, concluant ainsi le livre :
N’oublions pas que quelques mois plus tard seulement se déchaîna la polémique sur les « Supérieurs Inconnus », avec René Guénon en tête.

Tout cela est simplement scandaleux et l’on en vient à croire qu’à côté des « bien étranges antimaçons » dont parlent plusieurs polémistes, il faut ranger aussi des publications antimaçonniques bien étranges. »

Ceci fait allusion à l’emploi par Le Sphinx de l’expression qui est plus exactement « des antimaçons bien étranges » (dans les articles de La France Antimaçonnique : À propos des Supérieurs Inconnus et de l’Astral, puis dans « L’Énigme ») ; « plusieurs » est rajouté pour qu’on soit sûr qu’il est bien visé, car il n’est pas le seul à l’avoir employé : c’est le rédacteur d’un article des Cahiers Romains qui l’avait fait en premier.

On constate que L. Toth ne fait aucune différence entre les différentes signatures de Guénon, tentant de l’attaquer par Le Sphinx, alors que Guénon encore vivant disait lui-même, désinvolte, dans les comptes rendus de revues du Voile d’Isis de février 1933 :
Dans le numéro de décembre [de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes], nous trouvons un article fantaisiste qu’on a cru spirituel d’intituler Entretiens d’Œdipe ; si on savait combien cela nous est égal, et comme certaines allusions qui veulent être perfides sont loin de nous toucher… d’autant plus loin que ceux de nous qu’elles prétendent viser sont morts depuis bien longtemps !

A fortiori, comment ses ennemis espèrent-ils l’atteindre aujourd'hui ?



P. S.

Concernant cette postface, peut-être que le sujet avait déjà été traité à l’époque mais nous n’en avons pas eu connaissance, n’ayant trouvé qu’un compte-rendu complaisant de Jérôme Rousse-Lacordaire, dans Politica Hermetica no 18, Ésotérisme et guérison, 2004, p. 173, où sont résumés tous les mensonges de la postface :


Signalons au passage une bizarrerie : il est parlé de « l’auteur anonyme de la postface ». Pourtant Laszlo Toth signe la préface de ses initiales, et son identité semble publique, ici par exemple :

Ce n’est donc pas pour protéger son identité.

Il est même cité comme correspondant de Politica Hermetica pour l’Italie, p. 4 du même ouvrage :

Et il occupe apparemment cette fonction depuis au moins 1987, et M. Rousse-Lacordaire est dans le comité de rédaction depuis 1996, il serait donc un peu étonnant qu’ils ne se connaissent pas :

Est-ce pour dissimuler l’obéissance à un même mot d’ordre ? Nous ne prétendons pas répondre à cette question, nous contentant de signaler ce fait curieux. Mais si on se laissait tenter, on pourrait y voir de bien étranges collusions entre les milieux universitaires et de l’édition, où anti-occultistes et occultistes s’entendent étonnamment bien pour sortir la grosse artillerie contre l’œuvre de René Guénon.