jeudi 27 juin 2013

Erreurs inquiétantes trouvées dans les recueils posthumes

La consultation de quelques numéros des Études Traditionnelles nous a permis de corriger diverses erreurs des recueils posthumes, dont voici quelques exemples inquiétants. Les morceaux qui manquaient sont surlignés en vert, ceux qui étaient en trop en rouge.


Dans Symboles de la Science Sacrée :
Exemple de passage bizarre et mal tourné (et même incorrect? est ce que "dans des anciens documents" est au moins français?), modifié gratuitement par les compilateurs :
Pour revenir sur certaines considérations qui se rapportent à la figure de la « pierre cubique à pointe » à laquelle nous venons de faire allusion, nous dirons tout d’abord que cette figure, dans des anciens documents, À la fin de nos remarques sur la Tétraktys, nous avons fait allusion à la figure de la « pierre cubique à pointe », en nous réservant de revenir sur certaines considérations qui s’y rapportent : cette figure, dans les anciens documents, est complétée, d’une façon assez inattendue, par l’adjonction d’une hache qui semble posée en équilibre sur le sommet même de la pyramide.
Un hiéroglyphe du Pôle

Il faut se représenter le pont comme constitué primitivement par des ligneslianes, qui en sont le modèle naturel le plus orthodoxeordinaire, ou par une corde fixée de la même façon que celles-ci, par exemple à des arbres croissant sur les deux rives, qui paraissent ainsi effectivement « attachées » l’une à l’autre par cette corde. où il est décrit, soit comme la remontée d’undu courant vers sa source, soit au contraire comme sa descente vers la mer
Le symbolisme du pont


Dans les Études sur l'Hindouisme :
Dans l'article suivant, le compilateur avait altéré le texte et s'en justifiait ainsi :
[Ce passage est mis en accord avec les modifications que René Guénon avait apportées lui-même sur la question du Bouddhisme dans la 4ème édition de l'Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues (1952).]

Voici la note expliquant cette modification :
À l’intention des lecteurs qui auraient eu connaissance de la première édition de ce livre, nous estimons opportun d’indiquer brièvement les raisons qui nous ont amené à modifier le présent chapitre : lorsqu’a paru cette première édition, nous n’avions aucun motif de mettre en doute que, comme on le prétend habituellement, les formes les plus restreintes et les plus nettement antimétaphysiques du Hînayâna représentaient l’enseignement même de Shâkya-Muni ; nous n’avions pas le temps d’entreprendre les longues recherches qui auraient été nécessaires pour approfondir davantage cette question, et d’ailleurs, ce que nous connaissions alors du Bouddhisme n’était nullement de nature à nous y engager. Mais, depuis lors, les choses ont pris un tout autre aspect par suite des travaux d’A. K. Coomaraswamy (qui lui-même n’était pas bouddhiste, mais hindou, ce qui garantit suffisamment son impartialité) et de sa réinterprétation du Bouddhisme originel, dont il est si difficile de dégager le véritable sens de toutes les hérésies qui sont venues s’y greffer ultérieurement et que nous avions naturellement eues surtout en vue lors de notre première rédaction ; il va de soi que, en ce qui concerne ces formes déviées, ce que nous avions écrit d’abord reste entièrement valable. Ajoutons à cette occasion que nous sommes toujours disposé à reconnaître la valeur traditionnelle de toute doctrine, où qu’elle se trouve, dès que nous en avons des preuves suffisantes ; mais malheureusement, si les nouvelles informations que nous avons eues ont été entièrement à l’avantage de la doctrine de Shâkya-Muni (ce qui ne veut pas dire de toutes les écoles bouddhiques indistinctement), il en est tout autrement pour toutes les autres choses dont nous avons dénoncé le caractère antitraditionnel.
Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, partie 3, ch. IV - A propos du Bouddhisme

Mais le passage qui va suivre n'est pas en désaccord avec ladite modification, l'altération est non seulement inutile mais fautive, décrivant le Mahâyâna comme s'étant éloigné du Bouddhisme originel, alors que c'est de ce qui est aujourd'hui appelé communément Bouddhisme (à raison ou à tort), qu'il l'est. La modification sur le Bouddhisme portait uniquement sur l'orthodoxie du Bouddhisme originel (orthodoxe tout comme le Mahâyâna), question sur laquelle, dans l'extrait suivant, René Guénon ne se prononçait pas :
À ces quelques observations, nous ajouterons encore une autre d’un caractère un peu différent : on sait quelle est l’importance des éléments tantriques qui ont pénétré certaines formes du Bouddhisme, celles qui sont comprises dans la désignation générale de Mahâyâna ; mais, bien loin de n’être qu’un Bouddhisme « corrompu », ainsi qu’il est de mode de le dire en Occident, ces formes représentent au contraire le résultat d’une adaptation tout à fait traditionnelle du Bouddhisme. Qu’on ne puisse plus guère, dans certains cas, retrouver facilement les caractères propres au Bouddhisme originel, cela importe peu ; ou plutôt, cela même ne fait que témoigner de l’étendue de la transformation qui a été ainsi opéréed’un véritable « redressement » du Bouddhisme dans un sens traditionnel et orthodoxe. Qu’on ne puisse plus guère, dans certains cas, parler là de Bouddhisme que d’une façon en quelque sorte « nominale », cela importe peu ; ou plutôt, si l’on envisage le Bouddhisme proprement dit comme doctrine spécifiquement hétérodoxe, cela même ne fait que témoigner de toute l’étendue du « redressement » qui a été ainsi opéré.
Tantrisme et Magie

Le passage suivant, tiré des comptes rendus de revues des Études Traditionnelles de novembre 1929, soit bien avant la modification en question (datant sauf erreur de 1946 ou après), atteste du fait que cette modification doit bien porter sur le Bouddhisme originel, mais aucunement sur les formes actuelles, point sur lequel Guénon n'a jamais varié :
Dans Ultra (nos de mai-juin et juillet-août), nous relevons un article sur le Bouddhisme Mahâyâna, dans lequel nous avons vu, non sans quelque étonnement, celui-ci présenté comme le produit d’une pensée « laïque » et « populaire » ; quand on sait qu’il s’agit au contraire d’une reprise, si l’on peut dire, et d’une transformation du Bouddhisme par l’influence de l’esprit traditionnel, lui infusant les éléments d’ordre profond qui manquaient totalement au Bouddhisme originel, on ne peut que sourire de pareilles assertions et les enregistrer comme une nouvelle preuve de l’incompréhension occidentale.


Ici, l'altération produit un contresens :
« Mâyâ est le “pouvoir” maternel (Shakti) par lequel agit l’Entendement divin » ; plus précisément encore, elle est Kriyâ-Shakti, c’est-à-dire l’« Activité divine » (en tant que celle-ci est distinguée de la « Volonté divine », qui est Ichchhâ-Shakti).
[...]
Nous pouvons faire une autre remarque, se rattachant directement à ce qui vient d’être dit de l’« art » divin, en ce qui concerne la signification du « voile de Mâyâ » : celui-ci est avant tout le « tissu » dont est faite la manifestation universelle ; nous retrouvons donc là le symbolisme traditionnel du tissage dont nous avons parlé ailleurs[1], et, bien qu’on semble généralement ne pas s’en rendre compte, cette signification est indiquée très clairement dans certaines représentations, où sur ce voile sont figurés des êtres divers appartenant au monde manifesté.
---
[1] Le Symbolisme de la Croix, ch. XIV.
Mâyâ


Dans Initiation et Réalisation Spirituelle :
d'abord ce passage qui n'avait, en effet, véritablement plus aucun sens :
La réalité supérieure dont nous parlons se situe bien au-delà du domaine « psychologique », et à un niveau où la distinction même de l’« objectif » et du « subjectif » et n’a véritablement plus aucun sens ; 
 
Guru et upaguru
 
Contresens :
mais c’est là quelque chose de très secondaire et de purement contingent, qui n’a rien à voir avec l’initiation elle-même. Celle-ci est entièrement indépendante de l’action d’une force physiquepsychique quelconque, puisqu’elle consiste proprement et essentiellement dans la transmission directe d’une influence spirituelle Influences spirituelles et « égrégores »


la Connaissance pure est, en elle-même, d’ordre essentiellement supra-individuel, c’est-à-dire en définitive spirituel, comme l’intellect transcendant dont elle relève ; le caractère nettement psychique de Bhakti est évident, tandis que Karma, dans toutes ses modalités, comporte forcément une certaine activité d’ordre corporel, et, quelles que soient les transpositions dont ces termes sont susceptibles, quelque chose de cette nature originelle doit toujours s’y retrouver inévitablement. 
Les trois voies et les formes initiatiques

Ce qui est vraiment problématique pour ce dernier cas, c'est la fabrication de l'expression « intellect psychique », qui est un grave contresens.


Des errata sont en train d'être élaborés pour chaque recueil papier :
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/p/blog-page.html

Si d'autres grosses erreurs de ce genre sont trouvées, elles seront ajoutées dans les errata respectifs. Précisons que ce n'est qu'un aperçu du massacre, et qu'en réalité des centaines d'erreurs de divers ordres ont déjà été constatées dans les recueils posthumes, et ce n'est évidemment et malheureusement pas fini.

Encore une fois, cela confirme la nécessité d'avoir accès à l'ensemble des numéros concernés des Études traditionnelles/Voile d'Isis et de revoir entièrement les recueils posthumes, qui ont été réalisés avec bien peu de sérieux, et dont les erreurs continuent à être répétées dans leurs éditions comme un disque rayé, sottement, inlassablement et sans aucune honte, alors que défilent les décennies.





Enfin, voici des passages oubliés des ET/VI, présents dans aucun recueil papier :

Comptes rendus de revues :
Juillet 1929
— Le Mercure de France du 15 mai contient une remarquable étude de M. Paul Vulliaud sur Gioberti et l’Impérialisme italien.
— Dans Atlantis (numéro du 21 avril), M. Paul Le Cour poursuit ses recherches sur le symbole des trois enceintes ; il reproduit un curieux document figurant, malheureusement sans indication de provenance, dans l’ouvrage du chanoine Edme Thomas sur la cathédrale d’Autun, et qui est donné comme représentant la cité gauloise des Éduens. Dans le même article sont citées quelques réflexions de M. Charbonneau-Lassay, qui dit notamment qu’il ne serait pas surpris que les Chrétiens aient fait de ce symbole une image de la Jérusalem céleste. Or, dans l’article que nous avons consacré ici à cette question le mois dernier, nous indiquions précisément de notre coté quelques rapprochements dans le même sens, et nous rappelions qu’une autre disposition des trois carrés constitue une des figures les plus habituelles de la Jérusalem céleste. Nous sommes heureux de signaler cette rencontre, qui d’ailleurs ne nous surprend pas, car il est déjà arrivé bien souvent que M. Charbonneau-Lassay et nous-même ayons abouti, indépendamment et par des voies différentes, au mêmes conclusions sur beaucoup de points concernant le symbolisme.

Juin 1933
Cette diatribe n’a même pas le mérite de la cohérence, car, après s’être moqué tant qu’il peut de Râmakrishna, l’auteur écrit à la fin : « Qui ne se sentirait maladroit devant un tel géant ? » Comprenne qui pourra… Voici d’ailleurs qui jette un singulier jour sur cette mentalité toute spéciale : dans une feuille d’allure politique qui s’intitule S.O.S. Occident, le même M. Savoret publie des articles dignes à tous égards de la R.I.S.S. ! Il nous est déjà arrivé à plusieurs reprises d’avoir à relever, entre ces deux milieux, des points de contact assez troublants ; nous y reviendrons encore s’il y a lieu.

Novembre 1936
Cette constance de certains termes symboliques et de leur signification « technique », dans des formes traditionnelles aussi éloignées les unes des autres dans le temps et l’espace, ne peut s’expliquer que si l’on considère ces « formulations diverses d’une doctrine commune » (dharma-paryâya) comme autant de « dialectes d’un seul et même langage de l’esprit », ou de branches d’une seule et même « tradition universelle et unanime » (sanâtana dharma).
— Dans le Symbolisme (n° d’août-septembre), Oswald Wirth parle d’un Pouvoir créateur qu’il attribue à l’homme, et dont il conseille d’ailleurs de se méfier ; nous supposons qu’il doit s’agir de l’imagination que les psychologues appellent « créatrice », fort improprement du reste ; mais, en tout cas, il a le plus grand tort de croire que le « domaine subjectif » et les « conceptions abstraites » puissent intéresser si peu que ce soit les « purs métaphysiciens ». Nous le croyons bien volontiers quand il déclare « ne parler au nom d’aucune révélation surnaturelle », ce qui ne se voit que trop en effet ; mais, alors, pour être conséquent avec lui-même, qu’il ne parle pas d’initiation, fût-elle même limitée au seul domaine des « petits mystères », puisque, qu’on le veuille ou non, toute initiation implique essentiellement l’intervention d’un élément « supra-humain ». – G. Persigout est amené par le symbolisme de la caverne et du monde souterrain à étudier L’Enfer et les religions de salut ; ce titre rappelle malencontreusement le jargon spécial des profanes « historiens des religions », et, en fait, l’auteur semble avoir dans quelques-unes des théories tendancieuses de ceux-ci une confiance qu’elles ne méritent guère. En voulant toujours chercher des « sources » et des « développements » historiques, là où il ne s’agit proprement que d’expressions diverses d’une même connaissance, on risque de s’égarer encore plus facilement que dans les « dédales des épreuves souterraines », où l’on se retrouverait certes beaucoup mieux en les envisageant au seul point de vue strictement initiatique, sans se préoccuper de toutes les fantaisies accumulées par l’imagination des profanes à qui il a plu de parler de ce qu’ils ignorent.


Octobre 1937
et nous ajouterons plus nettement encore, quant à nous, que l’action des Maçons et même des organisations maçonniques, dans toute la mesure où elle est en désaccord avec les principes initiatiques, ne saurait en aucune façon être attribuée à la Maçonnerie comme telle. – Dans la même revue (n° de juillet), M. Massimo Scaligero étudie la signification de l’attitude « antimoderne », à propos des ouvrages de M. J. Evola, et plus spécialement du Mistero del Graal dont nous avons rendu compte récemment.

Avril 1938
— Dans le Mercure de France (n° du 15 janvier), M. Marc Citoleux, dans un article sur La Philosophie de la vie et le Bergsonisme, recherche les antécédents de l’« intuition » au sens instinctif où l’entend M. Bergson ; il les trouve « chez une ignorante, Mme Zulma Carraud, chez des impulsifs, Jean-Jacques Rousseau, Michelet », et aussi chez un poète, M. Paul Valery. Ces rapprochements sont assez curieux, mais nous ne voyons pas qu’ils apportent une confirmation au bergsonisme, ni qu’on puisse, comme le pense l’auteur, les considérer comme un « signe de la vérité » ; en fait, ils montrent tout simplement qu’il y a là quelque chose qui répond à l’une des tendances de l’époque moderne, et que ce « courant » n’a pas commencé avec M. Bergson, mais que celui-ci lui a seulement donné une expression plus spécialement « philosophique » qu’on ne l’avait fait avant lui. – Dans la même revue (n° du 1er février), un article de M. Albert Shinz sur Le Songe de Descartes soulève de nouveau une question qui a déjà donné lieu à bien des discussions plus ou moins confuses, celle d’une prétendue affiliation rosicrucienne de Descartes.

Décembre 1946
mais, bien entendu, cette réserve sur un point particulier ne diminue en rien la valeur du reste de cette remarquable étude.
— Nous mentionnerons aussi, dans cette revue, des articles concernant certaines fêtes : la fête du Holi (n° d’avril-mai 1945) et No Roz, le jour de l’an iranien (n° de juin 1945) ; bien que n’ayant qu’un caractère descriptif et un intérêt purement documentaire, ils pourraient servir en quelque sorte d’« illustration » à ce que nous avons dit au sujet des fêtes carnavalesques. Il est à remarquer que, dans le cas du No-Roz, il s’agit d’une sorte de survivance d’éléments provenant de la tradition mazdéenne, qui, en Perse tout au moins, est complètement éteinte ; on peut donc voir là comme des « résidus » déviés ou plutôt détournés dans un sens parodique, ce qui, à ce point de vue, est particulièrement significatif.